Il y a toujours eu des moutons à Cravent (Chomaud, Monod), à Longuemare (Charpentier), au Val Comtat (Potel, Giraud). Leur présence n'a jamais été prépondérante. La grande affaire, comme dans les communes de Normandie alentour, c'était les vaches. 

Jusqu'au milieu des années 80, l'heure de la traite, chez les Gouyette rue Douville, réunissait tous les enfants munis de leur bidon à couvercle hermétique. Le grand jeu, sur le chemin du retour, c'était de faire tournoyer son bidon plus vite que les copains, avec parfois le résultat qu'on imagine ! Pendant que Madame Gouyette trayait, son fin profil appuyé sur le flanc de la vache, les papotages allaient bon train. La traite était un moment fort de convivialité dont certains se souviennent.


L'établissement des quotas laitiers au milieu des années 80, a porté pendant plus de 30 ans un coup fatal aux élevages. Les bovins ont disparus de nos prairies. Les pâtures, devenues inutiles, ont été converties en grandes cultures. Le parcellaire semi-bocager, irrégulier, ponctué de pommiers à cidre ou d'arbres isolés, et bordé de haies, a laissé la place aux vastes parcelles céréalières, plus productives certes, mais dont on mesure aujourd'hui l'impact sur l'environnement (érosion des sols, pollutions). Quelques moutons et équidés de loisir seulement ont maintenus pendant presque 40 ans une discrète présence animale.   


À présent, le promeneur qui emprunte le « chemin des crêtes », limite entre Cravent et Lommoye et en direction du château d'eau, est observé attentivement par 120 paires d'yeux obliques et mordorés. Il perçoit une ample et mouvante masse laineuse, des piétinements et des clochettes. Cet heureux promeneur traverse les 43 hectares valorisés par Fanny et Benjamin Chassagne qui, en 2013, ont choisi Cravent pour y implanter un beau projet porteur d'avenir, unique dans les Yvelines, rarissime en Ile de France : un élevage biologique à vocation essentiellement laitière.   


Les débuts n'ont pas été simples. Bergerie et habitation en cours de construction, un abri d'appoint pour les bêtes, un mobil home pour Fanny, Benjamin, Yann (4,5 ans) et Yelena (2,5 ans). Soixante-six brebis pleines fraichement arrivées de leur pays basque natal, qui ont agnelé en novembre/décembre 2013 par des températures glaciales. Pourtant, grâce à un savant dosage de compétence, de passion, de courage et de soutien de Craventais solidaires de l'entreprise, le résultat est là, aisément vérifiable. Cravent, qui pouvait déjà se réjouir et peut-être s'enorgueillir de plusieurs activités BIO, est désormais en mesure de produire, selon les saisons, plusieurs variétés de fromages et yaourts délicieux et plébiscités par les diététiciens ! Et bien sûr, de la viande d'agneau, tout cela élaboré dans le respect scrupuleux de l'environnement. Avouez que c'est réjouissant !   


Alors, un samedi ou un mercredi après-midi, prenez un panier et empruntez la route des crêtes, avec vos enfants et petits enfants. Plus qu'une ballade, et au-delà du simple achat alimentaire, vous retrouverez une part de cette authenticité rurale que vous pensiez éloignée de notre région, chroniquement menacée par une urbanisation et/ou industrialisation galopante. Fanny et Benjamin ont la passion de leur métier et vous la feront partager.

Petit lexique :


Agneau, agnelage : Condition première de la production laitière, l'agnelage qui a lieu le plus souvent en février ou mars, après 5 mois de gestation, est une phase-clé de l'élevage. La présence des bergers est indispensable au moment de la mise-bas, car une naissance trop difficile, en particulier chez les primipares, peut déboucher sur la non-reconnaissance du petit par sa mère, avec pour conséquence l'abandon, voire l'eugénisme. La moyenne nationale de mortalité pendant les naissances se situe entre 10 et 15%, et peut atteindre 40% si la surveillance est insuffisante. En 2015, les conditions étaient bonnes, Fanny et Benjamin n'ont eu à déplorer que 7% de pertes. 

  

Alimentation : En plus d'une herbe riche et variée (les parcelles concernées étaient en jachère depuis 20 ans), les brebis sont nourries 2 fois par jour au foin, à l'orge et à la luzerne, produits par l'élevage selon les critères de l'agriculture biologique. 


Benjamin est né en 1983. Après un BTS agricole à Rambouillet, il suit une formation d'aide berger, puis part à Dignes les Bains suivre une formation à l'école de fromagerie de Carmejane. Issu d'une famille de médecins, il a grandi dans un univers impliqué dans la protection environnementale qui a approuvé chaudement son projet. 


« Bisou de Brebis » : Appellation strictement craventaise d'un délicieux petit fromage de type « crottin ». Fabriqué et vendu entre mars et fin août. 


Brousse : « Fromage » frais obtenu à partir du petit lait entre mars et octobre. 


ECOCERT : Organisme certificateur qui contrôle les conditions d'élevage, de production et leur caractère biologique. L’agrément délivré est à renouveler chaque année. 

 

Fanny est née en 1984, fille ainée de la ferme de Feucherolles, non loin de Versailles, passée au tout BIO en 2000. Son père a longtemps présidé le Groupement des Agriculteurs Biologiques. Sa grand-mère est une Guitel de Lommoye. Fanny est infirmière anesthěsiste, actuellement en congé parental. 


Inspection : La Direction Départementale de la Consommation et de la Protection des Populations vient 2 fois par an inopinément contrôler la salubrité des locaux et de la production. Par ailleurs, les éleveurs vérifient plusieurs fois par an l'absence de bactéries toxiques dans la production laitière et fromagère (dépistage de brucellose). 


Manech à tête rousse : C'est la variété de brebis pour laquelle ont opté nos jeunes éleveurs. Cette espèce laitière originaire du pays basque est sous représentée dans notre pays. Les éleveurs ont tendance à lui préférer la « Lacaune », plus productive, mais aussi plus sélectionnée et plus fragile. Les Manech sont rustiques et « bien dans leurs sabots ». De plus elles sont belles et expressives. 


Plan de maîtrise sanitaire : Emanant du ministère de l'agriculture, c'est la bible de la prophylaxie. Ce document présente tous les points de contrôle de la production et les éleveurs y inscrivent tous les protocoles de nettoyage et de désinfection. En plus de ce document, il convient de citer le « guide des bonnes pratiques d'hygiène » (institut de l'élevage) et le « vade mecum lait et produits laitiers » auxquels se réfèrent constamment les éleveurs. 


Soins saisonniers : Le parage, taille des ongles, 2 fois par an. La tonte 1 fois par an, en mai-juin (la laine des manech n'est pas particulièrement douce et s'utilise surtout pour la fabrication du feutre). Le vermifuge en automne et printemps. 


 Tomme : Elle se conserve bien et se bonifie avec le temps. C'est la seule production qui se commercialise toute l'année. 


Viande : Il faut réserver le plus possible à l'avance sa caissette d'un demi-agneau. 


Yaourt : Nature ou vanillé. De mars à septembre. Ils sont succulents. 




Florence POURCET

N.B. : Cet article est extrait du journal de l’A.P.A.C. « Le Hérisson Craventais » numéro 50, parût en février 2016. L’intégralité des numéros de ce journal ont été numérisés et sont consultables en ligne à l’adresse suivante : http://www.apac-cravent.fr/apac_publications.html

Les brebis de Cravent

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